lundi 14 octobre 2013

Minorités













> Mercredi 11 septembre. Passer dans le Xinjiang se fait sans heurt culturel pour le voyageur ayant arpenté l'Asie Centrale. Cette nouvelle frontière pour les chinois Hans se marierait certes bien avec ses voisins. Notre œil novice a vu beaucoup de l'Ouzbek en l'Ouïghour. Même habitat de pisé au cœur d'une oasis en plein désert, même goût du mouton, et jusqu'à ce couvre-chef octogonal maintes fois aperçu dodelinant au-dessus d'un pas nonchalant.

Qu'en ont-ils fait les Hans, qu'en imaginent-ils de ces minorités qu'ils se vantent de préserver à grand coups de discrimination positive et d'exception à la règle de l'enfant unique ? Les Ouïghours semble-t-il il y a trente ans lisaient en alphabet latin. Un avantage trop certain dans l'apprentissage de l'anglais. Il aura donc fallu leur demander dorénavant d'écrire en arabe. Une situation ubuesque, symbole de la peur de l'autre et de ses atouts, peut-être. L'heure, loin s'en faut, n'est pas à l'autonomie et un « Ouïghourstan » restera sans doute une chimère. La vieille ville de Kashgar vit ses dernières heures, camp retranché en territoire colonisé de gratte-ciels et de barres de béton.

Deux visions pauvres en nuances, outils de propagande, s'affrontent dans l'imaginaire des puissants. Celle d'un Ouïghour terroriste et celle d'un peuple à la frange de l'exotisme, image d'Epinal digne des colonies, chatoyant folklore édulcoré. Juste avant notre passage, quelques jeunes hommes ouïghours avaient attaqué un commissariat de village. Une réaction possible à maintes provocations des forces de l'ordre. Dernière en date, un couple de vieillards humilié, foulard arraché pour la femme, barbe rasée pour l'homme. Une vengeance terrible, un massacre certain, violent, à l'arme blanche. Partout dans les gares, s'affichent encore les avis de recherche les concernant. Des visages juvéniles, si semblables à ces milliers de visages que nous avions croisés pendant deux mois. Presque de sérieux visages d'écoliers dont les lignes ne trahissent pas encore le désespoir qui a pu les conduire à franchir une si dramatique ligne.

Ailleurs, dans des parcs sécurisés et hors de prix, pour les milliers de visiteurs Hans aisés attirés par leur Far West, ces mêmes minorités d'ascendance centrale asiatique, Ouïghour ou Kazakh, prennent un tout autre visage. Celui, blasé, de la représentation. Pour les autorités, il faut bien sauver l'image. Et créer l'illusion de l'union nationale.

Photos : Kashgar, Urumqi





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire