samedi 2 novembre 2013

Fuite insulaire















> Mercredi 9 octobre. Il y a près de 65 ans, ceux qui pensaient détenir entre leurs mains l'avenir de la Chine avaient franchi le détroit de Taïwan. Nous avons décidé d'en faire autant. Notre trait d'union et leur base avancée fut Matsu.

Un archipel de la république de Chine -ROC ou Taïwan, presque encore enclavé dans les sinuosités de la côte du Fujian chinois. Ici comme sur d'autres îles du détroit, les nationalistes ont affronté des décennies durant leurs frères communistes et les îles ne furent « démilitarisées » que depuis peu. Ne reste peut-être que l'apparat. Beaucoup de militaires encore, mais jeunes, les derniers peut-être du service obligatoire. Les uniformes un peu essoufflés courent en traînant les godillots un peu partout sur les minuscules routes bétonnées de ces cailloux maintenant ouverts aux visiteurs, vous lancent de larges sourires, déblaient les bas-côtés, font vivre l'économie locale en musardant le nez au vent. Dans son petit local isolé, l'un d'eux dort à point fermés devant son arsenal de fusils d'assaut et peine à reprendre contenance quand nous le réveillons avec nos mots d'anglais. Partout, des casernes, des bunkers, des forts, des chars rouillés par le vent salé.

Il nous est presque impossible de distinguer les installations encore en activité de celles transformées en lieux de mémoire. D'ailleurs, les deux peuvent s'avérer ouvertes ou closes sans que l'on sache vraiment pourquoi. Face à la côte chinoise, sur une pointe rocheuse léchée par les franges des typhons, s'affiche pleinement l'acmé du système défensif taïwanais au sol. Quelques pauvres canons antiaériens, désuets, dérisoires.

Il faut dire que Taïwan ne plaisante tout de même pas avec son armée, y consacre encore une part relativement importante de son budget. La terre n'est simplement pas son fort, l'île mise sur une marine sur-entraînée, même si nous n'aurons aperçu dans les eaux du détroit aucune des fameuses frégates.

Les quelques rares habitants de Matsu regardent eux le temps et les embruns passer, entre jardins partagés et barques de pêche. Le soir, la lumière irradie des salons largement ouverts sur les rues par de larges fenêtres coulissantes, dévoilant l'intimité familiale aux yeux des passants. Nous n'aurons jamais su bien distinguer entre salles à manger privées et petits restaurants de quartiers. Moments cocasses, mais les taïwanais accueillent les intrus avec le sourire.Dans les ruelles, les minibus de touristes remplacent peu à peu les jeeps des conscrits.

Nous rencontrons Jack et sa famille, sa femme, deux de ses trois filles -Chantal et Kate*, et moult cousins, oncles et tantes. Il y a trente ans, lui aussi fut appelé ici. Les longues heures creuses lui permirent d'y rencontrer celle qui allait devenir sa femme. Généreux, un large sourire toujours collé aux lèvres, il nous convie immédiatement à l'anniversaire de la grand-mère qui réside encore sur l'une des îles de l'archipel. Le début de ce qui allait devenir l'une des rencontres les plus marquantes de notre voyage.

* Les prénoms sont ceux, occidentaux, choisis par eux pour faciliter les rencontres avec les étrangers !

Photos: Dongju, Dongyin, Nangan (Archipel des Matsu)






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